Blog pour tous les élèves du Lycée Vauban (Givet - 08600) ayant Mr Janvier comme professeur de S.V.T.
Un tabac OGM pour fabriquer des molécules thérapeutiques
"On en est encore au stade de la preuve de concept", indique Alain Tissier, le créateur de Librophyt SA. Cet ancien chercheur au Commissariat à l'énergie atomique (CEA) à Cadarache (Bouches-du-Rhône), où la jeune société a ses locaux, attend beaucoup de cet essai en champ. L'objectif étant de vérifier le bon rendement de ces "usines" à molécules, si d'aventure elles devaient produire un jour de grandes quantités de médicaments. Et de rassurer les investisseurs quant à la stratégie poursuivie.
A l'origine, Librophyt espérait pouvoir faire produire par la plante un des précurseurs directs du Taxol et du Taxotère, actuellement extraits de l'if. Mais il est apparu que la synthèse par cet arbre de ce composé était bien plus complexe que prévu, et qu'elle impliquait de nombreux gènes dont plusieurs restent à découvrir.
La jeune société s'est donc recentrée sur la production par le tabac de précurseurs moins complexes, des taxanes, pour les confier à des chimistes afin que ceux-ci leur adjoignent des "fonctionnalités" par synthèse classique. "Notre ambition est de révéler de nouvelles molécules et de les modifier pour découvrir de nouvelles activités biologiques", résume Alain Tissier.
L'intérêt du tabac sauvage, Nicotiana sylvestris, est que ses feuilles sont couvertes de cellules, les trichomes, que l'on retrouve aussi dans la menthe ou d'autres plantes aromatiques, spécialisées dans la production d'huiles essentielles.
L'un des savoir-faire de Librophyt consiste à détourner ces glandes, par génie génétique, pour leur faire produire des taxanes, qu'il est ensuite aisé d'extraire. La start-up a déjà testé la technologie pour produire non pas des molécules à vocation thérapeutique, mais destinées à la parfumerie.
CHIMIOTHÈQUES
La constitution par OGM de "chimiothèques" dont on espère tirer des médicaments est en plein essor. Plusieurs sociétés utilisent des bactéries du genre streptomyces. D'autres font produire du lait ou des oeufs contenant des principes actifs par des mammifères ou des poules transgéniques.
Librophyt SA parie sur le tabac, capable de mieux supporter la synthèse de molécules actives, parfois toxiques pour les micro-organismes. Avant elle, Mersitem Therapeutics avait misé sur le maïs pour produire de la lipase, une protéine destinée à lutter contre des troubles liés à la mucoviscidose.
Mais plusieurs de ses essais en champ ont été détruits par les "faucheurs volontaires", au motif notamment que cette plante pourrait contaminer les variétés alimentaires.
Plante d'ornement, Nicotiana sylvestris, à ne pas confondre avec le tabac à fumer, ne peut nourrir ces craintes. Sa version transgénique, espèrent ses promoteurs, sera donc peut-être épargnée par les arracheurs.
Hervé Morin
LE MONDE | 20.02.07 | 18h40 • Mis à jour le 20.02.07 | 18h40